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Articles RÉCents

13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 20:50

Je voudrais courir dans le vent et que d’un coup, dans une rafale, il m’emporte à jamais par dessus les temps, tel un air de violon interminable un soir de mélancolie. Voir se rider les océans et poudroyer l’écume des vagues, projeter les flots sur la berge pour les fracasser en myriades de perles salées. Repousser l’onde et la faire se cabrer, revenir, puis tout éclabousser. Assécher la saumure sur le rivage et le durcir, pour n’y laisser que des langues blanchâtres de mousse parmi les coquillages évidés.

Je me voudrais tout ou partie de lui pour souffler les volutes de sable dans l’arrondi des dunes géantes des déserts torrides. Tracer les ondes de silice dans les ergs silencieux et chauffés à blanc. Qu’il m’élève assez haut pour être giflé par les blizzards d’altitude, aux confins des sommets arides et figés, où les cristaux deviennent des linceuls, et son souffle une froide blessure.

Je le voudrais inlassable, dans sa course des airs, pour effleurer les épis et faire courir cette caresse d’ombre sur l’immensité des champs emblavés, tel l’accéléré d’une journée qui s’écrit et semble se résumer dans sa course. Le voir s’emmêler dans les branches, s’y disperser, et l’entendre hurler sa plainte de douleur, longue, dans l’obscurité naissante d’un crépuscule de novembre, en chouette de rumeur.

Je serais la bourrasque, le souffle et le courant d’air qui effeuilleront les arbres à l’automne de l’an, déposant un tapis mouvant sur l’humus d’hier, et apposant la brume aux instants de répit dans les ramures dénudées des jours qui passent. Maîtres, lui et moi, de la pluie cinglante et froide, telle le couteau de l’hiver, qui s’en viendra taillader les visages de ceux qui s’attardent à la tombée de la nuit, en punition des retards solitaires dans la brune qui s’impatiente.

Plus jamais je ne reviendrais alors, restant éternellement impalpable et caressant, dans l’immensité du néant, voyageant sans cesse par-dessus les océans, les plaines, les déserts et les sommets, dansant avec les feuilles dans la musique du vent, secouant les ramures, frôlant les pelages et gonflant les duvets. Je serais alors tout et rien à la fois, dans la bruine collante, dans l’air asséché et brûlant, dans la giboulée brutale et le câlin tiède des brises. Tout et rien dans l’infini du mouvement, dans l’incroyable mouvance des nuages nuit de pleine lune, tout et rien dans les volets qui claquent et voiles gonflées.

Un jour je partirai aux côtés du vent pour ne plus être que lui, oubliant qui je suis vraiment pour l’être autrement, ailleurs, à la source sienne, dans ce lointain pays caressant. Un jour plus personne ne me saura, ne me cherchera, car je serai fils du vent détaché de moi et d’autrui, et je pourrai danser, danser éternellement, lui et moi, poussières et rafales enlacées.

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