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Articles RÉCents

1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 21:50

(Essayez de lire en écoutant la musique ci-dessous, car j'ai écrit à partir de celle-ci, en l'écoutant...)

 

 

 

C’était un grand navire, et il partit du levant, ou peut être du couchant, on ne sait plus, ce que l’on sait pourtant c’est qu’il partit par une nuit de grand vent, sur un grand océan, un océan de lait, de sang, ou de larmes, mais plus sûrement d’eau saline… nul ne s’en souvient vraiment. Est-ce bien important de savoir sur quel océan le navire s’engagea dites-moi ?


De quel port leva-t-il les amarres, ce grand navire ? Est-ce bien important de le savoir ? Il partit avec à son bord des hommes et des femmes, et bien sûr des enfants, des enfants de ceux-là…. là est la seule importance, n’est-ce pas ? Il paraît qu’il y avait un accordéoniste qui était du voyage, d’autres parlent d’un violoniste, et d’aucuns affirment qu’il y avait les deux. Mais qu’importe de savoir vraiment qui accompagnait ces gens, sur ce grand navire ?


Si l’on écoute bien ceux qui racontent, on leur entendra dire qu’il y avait aussi des mouettes dans le ciel, et des embruns de sels, des vagues aux hautes crêtes, et le bruit de l’étrave métallique, qui, à grands coups de bélier, fendait le mur ondoyant de la houle. Et pour ceux qui étaient à la poupe, ils pouvaient admirer les remous de hélices qui brassaient l’océan… des remous de lait, de sang, de larmes, ou d’eau saline plus sûrement. D’autres qui en rajouteront, vous parleront des fumées noires que crachaient les hautes cheminées du grand navire, de la pluie d’or et du crachin marin, du salut de la proue à la mer comme un pénitent que se dodeline, mais tout cela n’ajoutera rien à l’histoire n’est-il pas ?


Oui c’était un grand navire, par un soir de pluie d’or dit-on, qui partit de là-bas pour aller ailleurs, emportant en son sein des gens, des gens qui cherchaient un quelque part qui n’était plus ici ou là. Ceux qui s’en souviennent, et ils sont peu, ne savent plus dire si c’est la pluie qui était d’or, ou les larmes des passagers qui brillaient à la lueur de la pleine lune. Mais est-ce bien utile de le savoir ? De savoir s’il pleuvait ce soir là de l’or ou de l’argent ?


Et il vogua ce grand navire des hommes, jour après jour, et parfois, dans la profondeur de la nuit, l’on pouvait entendre, entre les à-coups de la houle sur la proue, le fredon des prières, comme venu du dedans du ventre de cet espoir flottant, le bourdon des angoisses de ce peuple en pèlerinage. D’aucuns affirment que c’était la plainte de l’accordéon qui se laissait entendre, tandis que d’autres, pas les plus nombreux, sont sûrs que c’était les sanglots du violon que l’on pouvait entendre. De là à dire que les deux instruments pleuraient ensemble, d’aucuns osent le penser. Mais est-ce bien important que de savoir cela ? Que de savoir si le violon  sanglotait en compagnie de l'accordéon?


Et chaque matin, bien avant l’aurore, et même l’aube, ce crépuscule de la nuit, avant que les enfants ne se réveillent, et que les femmes encore ensommeillées ne s’enviennent dénouer leurs cheveux dans le vent… sans bruit, sans paroles, dit-on, les hommes, tels des ombres silencieuses, remontaient à la queue leu leu sur le pont, les bras chargés des morts de la nuit, pour les offrir, enveloppés, au grand appétit des vagues. C’est ce que racontent, ceux qui se souviennent, de ce que ceux qui disaient l’avoir vu, ont raconté, quand ils vivaient encore assez, pour se souvenir de l’avoir vécu.


On ne sait pas où a accosté ce grand navire, parti une nuit de pluie d’or, sur un grand océan, une mer de lait, de sang ou de larmes, mais d’eau saline plus sûrement. A-t-il un jour touché terre, remonté une embouchure, découvert une île déserte, un continent oublié ou une terre inconnue ? Nul ne peut le dire au vrai. Personne ne sait si tous les hommes ont fini par jeter par-dessus bord, matin après matin, les vieillards,  puis les femmes, aux cheveux dénoués, et enfin les enfants trépassés…s’ils ont fini par s’entredévorer, dévorer par la faim, ou entretuer, poussés par les démons intimes qu’ils avaient malheureusement embarqués ? Au juste nul n’est vraiment sûr, et plus personne ne s’en souvient de ce qui s’est passé vraiment sur ce grand navire, parti un jour, plutôt une nuit du levant, ou du couchant… mais est-ce important de le savoir ?


Tendez l’oreille les soirs de grand vent, quand la houle cogne contre les étraves métalliques, et que les mouettes dansent immobiles dans le ciel obscur… peut être alors entendrez-vous un fredon, un murmure de la nuit,la voix d’un vieil homme vous raconter l’histoire du grand navire parti du levant, ou peut être du couchant, sur une mer de lait, de sang ou de larmes…mais d’eau saline plus sûrement. Vous narrer l’épopée de ces gens embarqués pour un ailleurs, parce qu’ici et là-bas il n’y avait plus ... de lendemains possibles et des aujourd’hui trop pesants.

 


 
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